
Jeanne Boesinger, musicothérapeute
Quel est votre parcours ? Comment êtes-vous venue à ce métier, est-ce parce que le sujet vous intéresse ou parce que vous connaissez des enfants TND, ce qui vous a encouragée à choisir cette voie ?
Après avoir suivi un parcours musical en conservatoire (piano, flûte traversière et chant) et décroché un bac scientifique, j’ai fait des études de musicologie à la Sorbonne, avant de passer le concours de professeur des écoles. Les élèves en difficulté ou tout simplement « différents », au sein des classes dans lesquelles j’ai pu enseigner, m’ont donnée envie de passer la certification afin de devenir enseignante spécialisée.
Au cours de ma carrière dans l’éducation nationale, j’ai également eu l’opportunité d’occuper un poste de conseillère pédagogique en éducation musicale, pendant 11 ans. C’est un poste qui recouvre plusieurs missions, dont la formation, l’accompagnement des enseignants, sans oublier la mise en place, ainsi que le suivi de projets artistiques et culturels dans les écoles.
Ce parcours professionnel et personnel a naturellement suscité en moi un vif intérêt pour la musicothérapie. J’ai donc suivi, il y a 10 ans, le Master de l’Université Paris Descartes, que j’ai pu compléter par un « programme » en musicothérapie neurologiqueTM dispensée par la NMT académie.
Aujourd’hui, comment l’exercez-vous (libéral, maisons de soin, à domicile) ? Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Étant salariée de l’éducation nationale, les prises en charge que j’assume se font avec le statut de « cumul d’activité », sur autorisation de ma hiérarchie, mais en dehors des horaires « scolaires ».
Je privilégie les prises en charge qui correspondent à mes domaines de spécialisation : avec les enfants/jeunes adolescents, je propose, principalement, des séances de musicothérapie ciblées sur la rééducation des difficultés, en lien avec un TND et j’élargis le champ de mes interventions au public adulte, avec la NMTTM qui cible, principalement, les troubles sensori-moteurs et cognitifs d’origine neurologique.
La musicothérapie et les troubles neuroatypiques
Comment votre métier s’inscrit-il dans le parcours de soin d’un enfant TND ? Quand est-il judicieux de vous contacter ?
La musicothérapie peut compléter ou renforcer des prises en charge déjà existantes, à n’importe quel moment du parcours de soin. Il est important de garder à l’esprit, que la HAS préconise des interventions, le plus précocement possible et met en priorité, la nécessaire coordination entre les différents professionnels qui accompagnent l’enfant TND.
Il n’est pas nécessaire d’être musicien pour suivre des séances de musicothérapie, mais il faut une appétence réelle pour le domaine sonore et musical.
Le musicothérapeute peut donc être sollicité à tout moment du parcours de soin de l’enfant TND, à condition que ce dernier soit réceptif au sonore. Le titre et la profession n’étant pas encore réglementés en France, il faut être vigilant, quant au choix du professionnel à qui l’on s’adresse. La FFM met à disposition du public un registre national des musicothérapeutes, qu’il est judicieux de consulter.
Quels en sont les bienfaits, en fonction de l’intensité des troubles de l’enfant ?
La sphère des TND est très vaste et les difficultés rencontrées, par l’enfant, dépendent, à la fois, de son diagnostic et de son profil personnel. Le musicothérapeute va s’appuyer sur les liens entre les éléments de la musique (les paramètres du son, par exemple) et l’histoire de l’enfant (son « histoire sonore »).
Les recherches scientifiques ont pu montrer que les activités musicales permettent au cerveau d’améliorer ses capacités et son efficacité. Il est possible, en séance de musicothérapie, de travailler de nombreuses compétences qui peuvent faire défaut chez une personne avec TND : les fonctions exécutives, la mémoire, l’attention et la concentration, la motricité globale ou fine, la coordination motrice, la régulation des émotions, le langage (écrit et oral), le repérage dans le temps et dans l’espace…
L’enfant TND, en séance de musicothérapie
Pouvez-vous me décrire comment se passe le début de votre prise en charge d’un enfant TND ? Une séance type ? (durée, style d’exercices…).
Tout d’abord, les séances s’inscrivent dans un CADRE, qui comprend le modèle théorique sur lequel je m’appuie et le projet thérapeutique du patient (objectifs, dispositifs utilisés, organisation/modalités des prises en charge).
Je garde, en séance, les outils/aménagements nécessaires à l’enfant (utilisés dans sa vie quotidienne : PECS, outils de repérage, outils pour le geste graphique, …) et avec les enfants TSA, je ritualise beaucoup les séances.
Toute prise en charge en musicothérapie démarre par un bilan psycho-musical qui se compose de 3 parties : un entretien, un test d’audition d’œuvres musicales (partie réceptive) et un test de manipulation de petits instruments (partie active). Le bilan permet de relever/analyser les difficultés de la personne et aide à fixer les objectifs du suivi.
Pour les séances, je peux être amenée à proposer de la musicothérapie active ou réceptive, selon ce que je souhaite travailler. Le choix dépend des objectifs du projet thérapeutique et du profil de l’enfant : ses préférences, son histoire sonore, ses particularités sensorielles …
En me mettant en relation avec les autres professionnels, qui suivent l’enfant, je peux proposer les mêmes exercices fonctionnels, que je transforme en exercices sonores/musicaux : cela permet de renforcer leur impact.
J’essaie aussi, le plus souvent possible, de mettre en relation les dimensions visuelles, motrices, auditives et verbales, car cela renforce également la rééducation mise en place.
Combien de temps dure votre intervention auprès de l’enfant ? S’agit-il d’une thérapie brève ou longue ? A quel rythme préconisez-vous la répétition des séances ?
Il n’y a pas de règle : la durée des prises en charge en musicothérapie est variable, elle dépend de l’évolution de l’enfant et des autres prises en charge dont il fait l’objet. Il est intéressant de fonctionner par « cycle » : pour ma part, je me cale sur les 5 périodes de l’année scolaire, ce qui représente des “cycles” de 5 à 7 semaines, avec une séance hebdomadaire de 40 minutes environ.
Pour chaque cycle, je fixe mes objectifs, j’évalue au départ et je réévalue à la fin du cycle : cela me permet de faire le point, avec l’enfant et les parents et de décider de la suite à envisager (arrêt, pause, poursuite à l’identique ou avec ajustements). Il est tout à fait possible de prévoir des temps de pause entre chaque cycle. Chaque enfant est un cas plus ou moins particulier, et l’intérêt d’une telle thérapie est d’adapter les séances à son profil spécifique, pour optimiser les résultats.