Nous connaissons tous les cinq sens : la vue, le gout, l’ouïe, le toucher et l’odorat. Il existe pourtant un « sixième sens », si familier et naturel qu’il nous est la plupart du temps inconscient et pourtant quasiment indispensable pour vivre : la proprioception. La proprioception, la perception que le corps a de lui-même dans l’espace, est l’une de nos sources de connaissance les plus importantes, car on ne pense pas seulement avec notre cerveau, mais aussi avec notre corps.
Nous sommes constamment soumis à un ensemble de stimulations qui activent divers récepteurs sensoriels, et notre cerveau doit avoir une représentation extrêmement précise de la configuration corporelle en cours s’il veut pouvoir aisément traiter des fonctions beaucoup plus complexes.
La lecture ne peut être fluide et automatique que si les deux yeux localisent bien le mot à lire d’une manière particulière, le regard tombant au niveau d’un endroit très précis appelé « centre de gravité du mot ». L’examen clinique des personnes dyslexiques montre que la localisation spatiale des deux yeux est différente et qu’on peut la rendre identique en modifiant les informations proprioceptives. Cette modification peut être réalisée en modifiant le capteur oculaire, mais aussi le capteur plantaire ou encore le capteur stomatognathique.
Le Syndrome de Déficience Posturale (SDP) ou syndrome de Déficience Sensorio-Proprioceptive (SDSP)
Le Syndrome de Déficience Posturale (SDP) fut décrit en France par PM Gagey et au Portugal par Martin da Cunhà et Alves da Silva dans les années 80-90. La mise en évidence fortuite d’une relation entre dyslexie et SDP est due à G Serrano.
La découverte d’un syndrome
Dans les années 90, à Lisbonne, un ophtalmologiste (Professeur Alves da Silva) et un médecin rééducateur (Professeur Martin da Cunha ) décrivent un syndrome qui est responsable chez l’adulte de troubles musculaires, de troubles de l’orientation, de troubles de la concentration, de fatigue chronique et de maladresse anormale, dont l’intensité est très variable d’un sujet à l’autre.
Ils montrent que ce syndrome, très fréquent, est en fait lié à un mauvais fonctionnement de petites sondes sensibles que nous avons dans nos muscles (récepteurs proprioceptifs). Ces sondes renseignent notre cerveau d’une manière inexacte sur l’état de tension des muscles.
La mise en relation de ce syndrome avec la dyslexie
Ils constatent que ce syndrome existe aussi chez de jeunes enfants et qu’ils sont alors souvent dyslexiques. Ils mettent en évidence le fait que le traitement du syndrome de déficience posturale améliore la dyslexie d’une façon spectaculaire au bout de quelques mois seulement.
Plusieurs années d’essais thérapeutiques permettent de montrer que la guérison nécessite seulement de modifier le comportement des sondes sensitives des muscles. Ceci est possible par une action sur les yeux (port des lunettes avec des verres prismatiques de très faible puissance), par des exercices particuliers (qui agissent sur les muscles du dos et du ventre) et par le port de semelles (qui équilibrent les sensations données par les muscles des pieds).
Plusieurs milliers d’enfants ont déjà bénéficié à l’étranger de ce traitement qui reste encore confidentiel en France.
Qu’est-ce que le SDP ou le SDSP ?
Définition : présence d’une asymétrie du tonus musculaire corporel lié à un dysfonctionnement du système postural fin. Ce dernier comprend des récepteurs (rétine, labyrinthe et vestibule, capteurs plantaires) dont la position relative est donnée au cerveau par la proprioception musculaire, notamment celle des muscles oculomoteurs. Cet ensemble renseigne le cerveau en permanence sur la position des différentes parties du corps. Il assure ainsi la mise en tension des muscles de l’organisme afin d’obtenir un tonus adapté au maintien d’un équilibre stable quelque soit la posture. Cet ensemble assure aussi la localisation spatiale des objets vus.
Le dysfonctionnement du système postural fin provoque :
- des asymétries du tonus corporel responsables de douleurs erratiques sans lésions organiques visibles, notamment au niveau du cou et des muscles paravertébraux (lumbagos, torticolis…). La cause en est le dysfonctionnement d’un ou de plusieurs récepteurs ou une mauvaise harmonie de fonctionnement entre les différents capteurs, notamment au niveau de la proprioception musculaire.
- des troubles de la localisation spatiale des objets regardés.
Quelle est la relation avec la dyslexie ?
Les muscles oculaires des dyslexiques ont une activité saccadique anormale en raison d’une asymétrie de tonus. S’y ajoute une mauvaise localisation des mots à lire car les saccades oculaires n’amènent pas le regard au niveau du « centre de gravité » des mots. (le « centre de gravité d’un mot ou d’un groupe de mot est l’endroit où le regard doit se poser pour permettre le « décodage » du mot). L’écart entre la position des yeux du dyslexique et ce « centre de gravité » est probablement de l’ordre du degré. Elle passe inaperçue lors d’un examen clinique habituel.
L’incidence du SDP chez le dyslexique est encore en cours d’évaluation, mais il semble bien que 100 % des dyslexiques présentent un SDP.
Le traitement du SDP ou SDSP
Le traitement du SDSP repose sur des bases scientifiques bien établies. II ne s’agit pas d’une médecine parallèle de plus. Son existence et son rôle dans la dyslexie sont de découverte récente et expliquent son utilisation encore limitée.
Les patients atteints de SDSP ont un dérèglement du système qui régule le fonctionnement musculaire et la perception de l’espace. Le diagnostic est difficile et demande souvent un examen long.
La guérison se mérite car le traitement demande un effort de tous les jours. Il sera d’autant mieux accepté qu’il est encouragé avec bienveillance et surveillé discrètement par les parents.
Le traitement ne présente aucun toxicité. Il repose sur 3 éléments indissociables :
- port de lunettes
- mise en place de postures particulières pour la lecture et le sommeil et mouvements de relaxation
- port de semelles dites « semelles proprioceptives »
II est inutile de commencer le traitement et même de consulter, si on n’est pas prêt à assumer très sérieusement les 3 éléments.
Le port de lunettes
Les lunettes modifient le fonctionnement des micromouvements musculaires qui ont lieu pendant la lecture ainsi que la perception des mots lus. Elles doivent être portées en permanence pendant plusieurs années (4 ans en moyenne). Elles peuvent provoquer une gêne visuelle au départ ainsi que des douleurs musculaires. Elles ont un axe très précis et ne doivent pas glisser sur le nez sous peine d’être inefficaces. Elles doivent donc être contrôlées régulièrement par l’opticien.
Les exercices de posture
Les exercices de posture permettent une normalisation du fonctionnement général du système musculaire. Ils ne demandent que quelques minutes mais doivent être journaliers et contrôlés par la famille. Un plan incliné à 30° doit être aménagé pour la lecture et l’écriture ainsi qu’une cale qui permette un appui complet des pieds.
Les exercices de postures sont expliqués dans un livret qui est remis à la fin de la consultation et sont longuement ré-expliqués au cours d’une séance d’une heure qui nécessite un rendez-vous dans les semaines qui suivent l’achat des lunettes prismatiques.
Les semelles
Les semelles modifient la perception du sol et permettent au cerveau de rééquilibrer la symétrie naturelle des muscles du corps. Elles sont portées un an en moyenne et sont alors parfois remplacées par des semelles d’un autre type en cas d’anomalie fixée du pied. Le mieux est d’essayer de les porter au contact direct du pied. Elles se nettoient avec un coton imbibé d’alcool. Les chaussures doivent avoir une semelle souple qui permette aux orteils de toucher le sol à la fin de chaque pas (suppression des chaussures de sport à semelles épaisses et bout relevé).
L’orthophonie est continuée.
Les résultats sont visibles sur la lecture au bout de 3 mois en moyenne, mais un changement dans les performances d’attention et de concentration est souvent perçu bien avant. L’orthographe demandera beaucoup plus de temps car il faut « tout réapprendre ».
Un contrôle au bout d’un an est souhaitable.