Je suis à la fois professeur des Écoles, brigade formation, et maman d’enfants atypiques (Haut potentiel, TDAH, dyspraxie). Je suis moi-même à Haut Potentiel avec un TDAH, et j’essaye, tant que faire se peut, de témoigner et partager auprès de mes collègues, des parents, de la société.
Un manque de formation et d’information chez les enseignants
Car oui, je rencontre au quotidien, des enseignants qui ne savent pas identifier les troubles des apprentissages, qui ne connaissent pas le HP, perdus devant un élève qui a un handicap et qu’ils ne savent comment aider, complètement largués devant un élève dont ils ne comprennent pas les réactions et comportements. Je rencontre aussi de véritables crétins(es) qui considèrent que la place de ces enfants n’est pas à l’école (mais ce n’est pas l’objet de ce texte !).
Il faut dire que niveau formation, c’est le zéro absolu. Étant passée à l’ESPE il y a quelques années, j’ai été stupéfaite de l’absence totale de formation et même d’information sur le handicap, le haut potentiel….
La semaine dernière j’ai fait un remplacement dans une classe maternelle de PS/MS. Là, je me suis rapidement aperçue qu’un des enfants de MS savait lire (il lisait le menu de la cantine pour « passer le temps » !)
Par chance j’ai pu discuter avec son enseignante le lendemain. Cette discussion m’a permis de me rendre compte de la méconnaissance du sujet « Haut potentiel ». Fort heureusement cette enseignante, pleinement consciente du « problème » de ce petit garçon, était extrêmement preneuse d’informations.
Cet enfant a finalement eu une certaine chance : il a été « repéré », ce qui est loin d’être toujours le cas, et je reviendrais sur ce sujet plus loin.
Les particularités des enfants à Haut Potentiel
Je voudrais donc faire un point sur certaines particularités des enfants à haut potentiel : surdoué = enfant intellectuellement précoce = enfant à haut potentiel = zèbre. Tous ces termes désignent une même réalité, un QI élevé, qui ne disparaît pas en grandissant et qui fait de cette personne quelqu’un de différent dans sa manière de penser et de voir les choses, dans sa manière d’apprendre et d’appréhender le monde.
L’hypersensibilité
Le problème de maturité, qui est le plus souvent mis en avant pour rejeter l’idée d’un saut de classe est un FAUX problème : les personnes HP sont hypersensibles et tout est plus chez eux (plus joyeux, plus triste, plus grave…). Ils peuvent s’enthousiasmer pour une chose semblant futile, pleurer pour une autre chose semblant absolument sans importance … Ils ont un affect surdéveloppé ce qui peut donner une image de « petit en quête de sécurité affective ». Ce mode de fonctionnement perdure à l’âge adulte, et reste souvent incompris, mais ce n’est en aucun cas de l’immaturité.
Les sens sont, en règle générale, aussi surdéveloppés : hypersensibilité aux bruits, à la lumière, aux odeurs, au toucher. Certains ne supportent pas les cours de récréation, d’autres la cantine, d’autres encore les bisous ….
Une vision singulière du monde
Leur vision du monde peut être surprenante de la part de jeunes enfants, qui révèle en fait une plus grande maturité que leurs camarades et un fonctionnement bien différent : refus d’aller aux toilettes avec les autres dès tout-petit par pudeur, besoin de comprendre la raison et la finalité de toute action, pas de besoin de sieste, intérêt pour des sujets bien loin des préoccupations de leurs camarades assorti souvent d’une envie de tout connaître sur le sujet (cela donne une impression d’intérêt unique qui change ! ).
La peur de l’échec
Ces enfants ont le plus souvent une peur panique de l’échec, ils préfèrent ne pas essayer que de se tromper. Car s’ils se trompent, ils prennent tellement les choses à cœur, qu’ils se sentent les plus nuls !
Ce sont également des enfants qui n’ont pas l’habitude de l’effort, car souvent tout est facile. Ce sont donc des enfants qui peuvent renoncer très facilement, préférant se confirmer à ce que l’on attend d’eux et qu’ils savent faire, qui ne montreront pas l’étendue de leurs connaissances, voire qui les cacheront. Ces enfants sont même capables de « désapprendre » au sens où, comme à leur âge ils ne sont pas censés savoir, alors ils « oublient » qu’ils savent !
Un de leur très gros problème : ils ne supportent pas la répétition. Là où un enfant classique a besoin de redite un enfant HP comprend très vite et n’oublie pas… Autant dire que les cours sont souvent un enfer !
Le décalage
Bien évidemment, ces enfants sont très souvent en décalage, encore plus lorsque leur différence n’est pas explicitée, car non connue ou non reconnue. Ce décalage n’est pas forcément sur tous les plans, certains seront plus impactés sur le scolaire, d’autres plus sur le relationnel. Il y a par exemple un décalage entre la capacité de réflexion et le graphisme : le cerveau va tellement plus vite que la main que l’écriture peut être illisible. Pour certains les relations avec les autres sont terriblement complexes, car ils ne se comprennent pas, littéralement. Il y a d’ailleurs une reconnaissance assez instinctive entre 2 personnes HP, car elles parlent la « même langue »…
Ces enfants peuvent donner l’impression de « prendre les gens de haut » ce qui n’est pas le cas le plus souvent. Certains adultes se sentent presque en danger devant un enfant « plus intelligent qu’eux ». Tout cela impacte grandement les relations avec l’entourage.
L’échec scolaire de l’enfant HP ou doublement exceptionnel
Un écart entre les potentialités et les difficultés
Il est particulièrement important de souligner qu’élève à haut potentiel NE VEUT PAS TOUJOURS DIRE élève brillant. En effet, il existe dans l’inconscient collectif une image caricaturale de l’élève HP qui sait tout, a réponse à tout, comprend tout… bref est plus que brillant dans tous les domaines. Or un certain nombre d’élèves HP sont en échec scolaire !
N’oublions pas également, et c’est très fréquent, car souvent non diagnostiqué dans les premières années, ceux que la littérature appelle les « Twice exceptionnal », ces enfants à haut potentiel porteur d’un handicap (trouble DYS, TDAH, autisme).
Ces élèves font constamment un grand écart entre leurs potentialités et leurs difficultés. Ils passent tout leur potentiel dans la compensation de leur(s) handicap(s), ce qui peut se traduire de plusieurs façons, isolées ou concomitantes :
- un ensemble moyen pour un élève qui entend très souvent dire qu’il est paresseux, qu’il pourrait faire mieux, qu’il n’est pas attentif …
- un élève perturbateur, ce comportement étant une forme de protection devant le fossé entre ce que l’élève conceptualise et ce qu’il arrive à faire.
- Un élève en rejet de l’école qui va renoncer à essayer, car il se sent incapable.
Le saut de classe souvent envisagé comme la solution !
Chez ces élèves doublement exceptionnels, la compréhension est encore plus difficile, car la performance intellectuelle est pour beaucoup suffisante pour compenser le handicap, et les aménagements semblent inutiles et même injustes. Pourtant, c’est exactement comme dire à une personne paraplégique en fauteuil et qui a une excellente vue qu’il n’a pas besoin de fauteuil puisqu’il voit bien ….
Le saut de classe, souvent envisagé comme solution …. Parfois plus qu’utile, parfois peu souhaitable. Ne pas hésiter… Si l’ennui est trop pesant, car alors la phobie scolaire guette et l’inhibition intellectuelle est à craindre, à moins que l’élève ne fasse autre chose pour s’occuper (et pas toujours pour le bien de la classe !).
Ici nous avons dû nous battre pour obtenir un saut de cm2, contre l’avis de l’équipe enseignante (sauf de son instit), contre l’avis de la psy scolaire. La commission EIP a validé le saut. Et notre miss est en sixième, épanouie comme jamais, avec des notes de folie !!!!!
Le saut n’est pas toujours la solution, par exemple quand l’enfant refuse de quitter ses amis. Il y en a d’autres : adapter les exercices en donnant non pas plus, mais différent, permettre à l’élève d’approfondir (exposé, lecture, recherches internet)…
Une chose à retenir !
« Si ces enfants ne sont pas des enfants comme les autres, comme les autres ils sont des enfants. » Dr Olivier Revol
À travers ce texte, j’espère permettre une meilleure compréhension de ces enfants, pour qu’ils puissent s’épanouir pleinement, ne pas souffrir de leur différence, explorer pleinement leurs capacités.